Loading

Photo sensible Jean-François Fort

Jean-François Fort. 56 ans. Infirmier psychiatrique la nuit. Photographe de l’humain le jour. Un temps -que les moins de 20 ans....-, le natif de Château-Larcher a espéré embrasser la carrière de reporter compulsif. Mais l’ancien pensionnaire de l’école de photo de Nîmes a préféré garder sa madeleine de Proust en réserve de la République.

Le voilà sorti de sa réserve naturelle « à cause » de son attention aux autres. Et en particulier aux quarante-neuf migrants « de » Poitiers, dont il vient de tirer le portrait et de recueillir l’histoire chaotique. Sans jugement. Sans mise en scène. De manière brute. «Faire cela, c’est sans doute une façon de donner du sens à ma vie, de faire en sorte que mon existence soit moins stupide. Ce projet, j’y pensais depuis longtemps. J’ai pris contact avec le laboratoire Migrinter, qui m’a donné des coordonnées d’associations d’aide aux migrants. » Jean-François Fort « s’efface » volontiers derrière ses modèles charriés par la guerre et la misère. Il laisse « le pouvoir de la photo » opérer.

Chaque lundi, "7 à Poitiers" publie le fruit du travail de Jean-François Fort...

Retrouvez aussi Jean-François Fort sur son site internet : http://jeanfrancoisfortphotographies.com/

16/4/18 - vingt-neuvième épisode

Milad et Nada, 42 et 40 ans, avec leurs enfants André, Joseph et Karam. Originaires de Syrie (Photo et témoignage recueillis le 1er juillet 2017).

Milad est architecte. Il a travaillé au Liban et en Arabie Saoudite. "Nous avions une belle vie, plusieurs maisons, à Damas et à la campagne, des voitures, mais nous habitions dans un quartier chrétien où les bombes tombaient. Il y avait aussi des véhicules piégés... Nous avons vendu tout ce que nous pouvions puis nous sommes partis rejoindre Najwa, la sœur de Nada arrivée à Poitiers huit mois plus tôt. Le voyage nous a coûté 30 000€ et a duré près d'un mois. Il nous a d'abord fallu rejoindre la Turquie en avion, puis la Grèce en bateau et traverser l'Europe en train et en bus." Milad parlait déjà le français, appris au lycée comme Karam, 17 ans, son fils aîné. C'est pour cela que toute la famille s'est naturellement tournée vers la France pour chercher asile. Ils ont aujourd'hui le statut de réfugiés. Milad travaille depuis deux mois. "C'est difficile, les techniques, les normes, les matériaux sont différents ici, je dois intégrer toutes ces données rapidement pour être efficace", explique-t-il. Pour le couple, qui a tout perdu, c'est une nouvelle vie qu'il faut reconstruire, loin de ceux qui sont restés en Syrie. Pour les enfants, à l'école c'est plus facile, leur vie est ici maintenant.

26/3/18 - vingt-huitième épisode

Iskandar, 28 ans, originaire du Soudan du Nord (photo prise le 2 décembre 2016).

Iskandar vient du Darfour où il était agriculteur avec sa famille. Il est marié sans enfant. Il n'a jamais été scolarisé. Un jour son village a été attaqué par les milices Janjawids armées par le gouvernement de Kartoum et à sa solde. Ceux qui ont survécu ont dû s'enfuir abandonnant leurs terres et leurs biens à l'occupant, comme dans tout le Darfour. Depuis le début du conflit, 300 000 personnes seraient mortes et 2,5 millions déplacées, la plupart dans des camps installés dans les pays voisins. Au moment de la prise de vue, Iskandar n'avait de nouvelles ni de sa famille, ni de sa femme.

19/3/18 - vingt-septième épisode

Mujeebullah, 26 ans, originaire d’Afghanistan (photo prise le 3 décembre 2016).

Mujeebullah vient de la région de Logar au sud de Kaboul, où il a fait des études de droit. Son père a été tué par les Talibans et sa mère est morte de maladie. Il est marié et a vécu quelques temps dans la famille de sa femme, avant de s’enfuir pour ne pas subir le sort de son père. Un de ses frères a disparu alors qu’il traversait l’Iran. Au moment de la prise de vue, Mujeebullah rêvait d’obtenir le statut de réfugié qui lui permettrait de travailler et peut-être de faire venir son épouse…

12/3/18 - vingt-sixième épisode

Tijani, 28 ans, originaire du Soudan du nord. Photo prise le 13 décembre 2016.

Tijani a quitté le Darfour en avril 2015. Il est resté en Libye une année entière, travaillant dans le bâtiment pour gagner l’argent nécessaire à sa traversée de la Méditerranée, soit 300 dollars. En Libye où les lois et la morale élémentaires sont actuellement bafouées, les migrants représentent une main d’œuvre bien souvent gratuite. Refuser revient à s’exposer à toutes formes de violences. Tijani explique que s’il était resté au Soudan, il aurait été, comme tous les jeunes hommes, enrôlé par les troupes gouvernementales pour combattre la « rébellion », c’est-à-dire sa famille, son village, son ethnie. Tout refus engendrant la prison ou la mort, et la mise en danger de ses proches. Tijani est marié, il a un petit garçon de vingt-deux mois (au moment de la photo) qu’il connaît à peine. Il était agriculteur. Il parvient de temps en temps à avoir des nouvelles de sa famille.

5/3/18 - vingt-cinquième épisode

Wasir Khan, 26 ans, originaire d'Afghanistan (photo prise le 3 janvier 2017)

Pachtoune de la région de Kunduz dans le nord du pays particulièrement touchée par les affrontements avec les Talibans. Paysan, Wasir Khan élevait un troupeau de deux cent cinquante moutons avec sa famille. Pour fuir les violences, il a quitté son ancienne vie, a voyagé trois mois à travers le Pakistan, l'Iran, la Turquie puis l'Europe. "Nous étions en groupes conduits par des passeurs. Il y avait des enfants. De nombreux amis sont morts sur le chemin. Souvent nous n'avions pas de nourriture, pas d'eau et rien pour nous protéger du froid..." Ce périple lui a coûté 7 000$ qu'il avait économisés. Wasir Khan a finalement obtenu un statut de réfugié. Il rêve de vivre en paix et de pouvoir travailler pour subvenir à ses besoins.

26/2/18 - Vingt-quatrième épisode

N..., 31 ans, originaire du Nigéria. Elle a souhaité rester anonyme au moment de la photo prise le 30 mai 2017.

N... préfère rester anonyme. Elle est née et a grandi à Bénin City au Nigéria. Quand son père décide de la marier de force à la mort de sa mère, elle n'a que 13 ans. Elle donne naissance à une petite fille avant ses 14 ans. Puis son mari la quitte à 15 ans. "Personne ne s'est occupé de moi, je vivais dans la rue, parfois je dormais chez des amis. Cela a duré des années. Un jour, une femme m'a vu, elle m'a dit qu'elle pouvait me faire passer en Europe pour une vie meilleure. Je l'ai crue. Deux semaines à travers les déserts dans des pickups bondés m'ont amenée en Libye. Quelqu'un m'y attendait et a organisé ma traversée. Je n'ai pas été maltraitée, peut-être parce que j'étais malade. D'autres l'ont été. A mon arrivée en France, j'étais enceinte, ce qui n'a pas plu aux personnes qui m'attendaient. Ils m'ont donné des médicaments pour avorter. Seule, j'ai coupé le cordon avec mes mains. J'ai perdu beaucoup de sang. La Croix rouge m'a sauvé la vie. Ensuite on m'a dit que je devais 40 000€ pour le voyage, que je devais les rembourser sinon on s'en prendrait à moi et ma famille. J'ai fait ce qu'on me demandait." La veille de l'entretien, N... a appris que son frère s'était noyé en Méditerranée. L'été dernier, une sœur avait déjà subi le même sort.

19/2/18 - vingt-troisième épisode

Rukiya, 27 ans, originaire d'Ethiopie (photo prise le 5 juillet 2017)

Issue d'une famille Afar installée de longue date à Addis Abeba, Rukia a fait des études supérieures avant de travailler trois ans à Samara, capitale administrative de la région Afar, en tant que coordinatrice du bureau de santé administrant un immense territoire désertique de 3,5 millions d'habitants. Dans ce bureau, elle a rencontré Mohamed qui travaillait pour Médecins du Monde. Afar, comme elle, Mohamed est français puisque ses parents djiboutiens ont choisi la nationalité française au moment de la rétrocession de 1977. Ils sont alors venus vivre en France. En 2015, Rukia et Mohamed se sont mariés en Ethiopie, d'abord religieusement puis civilement à l'ambassade de France. Rukia a naturellement suivi son mari à Poitiers, où Mohamed vit depuis qu'il est né. Elle espère aujourd'hui poursuivre ses études universitaires mais sa maîtrise du français est encore insuffisante. Au moment de la photo, Rukia avait un regret, elle n'avait toujours pas d'amie française...

12/2/18 - Vingt-deuxième épisode

Heider, 24 ans, originaire du Koweit (photo prise le 7 février 2017)

Heider a trois frères et quatre sœurs. Son père est décédé. Sa mère gagne un peu d'argent en cousant des vêtements pour femmes. En fait, c'est un oncle maternel qui permet à la famille de subsister et de régler les cent dollars du loyer mensuel. Heider est bédouin et à ce titre, il n'a pas droit à la nationalité koweïtienne, ni à aucune autre d'ailleurs. Il est donc apatride. Pour cette raison, l'accès aux soins, à l'éducation, au travail lui est très difficile, voire impossible. Sa famille vit pourtant au Koweït depuis plusieurs générations, mais elle demeure étrangère dans son propre pays. Pour survivre, Heider obtenait parfois, comme une aumône, quelques journées de travail dans une entreprise de nettoyage. Lassé, il a préféré tenter sa chance dans un pays où, pour lui, l'expression "droits de l'Homme" a un sens.

5/02/18 - vingt-et-unième épisode

Ibrahim, 24 ans, originaire du Sud Soudan (photo prise le 14 décembre 2016)

Issu d'une famille d'agriculteurs du Darfour, Ibrahim a reçu une formation d'électricien et travaillait à Kartoum. Il est marié et n'a pas d'argent. Son village natal, comme presque tous ceux du Darfour, a été vidé de sa population. Les troupes gouvernementales aidées par les milices janjawids ont incendié les maisons et concentré les populations de nombreux villages dans quelques camps. (Au moment de la photo), sa famille vivait dans un de ces camps. Elle n'y était pas en sécurité et sa survie dépendait des aides internationales. Lui, plutôt que de subir le même sort, a préféré tenter sa chance en Europe. Il a rejoint la Libye en pickup et a travaillé trois mois sans aucun salaire, juste un peu de nourriture. "Si je demandais de l'argent, on me menaçait avec une arme, j'aurais pu sans problème être tué." Un Soudanais vivant en Libye et employé dans un restaurant lui a donné l'argent nécessaire (près de 1 000$) pour payer un passeur et sa traversée en canot pneumatique. Recueilli par un navire, Ibrahim a d'abord gagné Paris puis Calais en train. Il souhaitait se rendre en Angleterre.

29/01/18 - Vingtième épisode

Siddig, 27 ans, originaire du Soudan du Sud (photo prise le 14 décembre 2016)

Marié et sans enfant, Siddig est originaire du Darfour. Sa famille vit depuis plusieurs années dans un camp de réfugiés. Il parvient de temps en temps à avoir de leurs nouvelles.

15/1/18 - Dix-neuvième épisode

Ibrahim, 23 ans, originaire de Guinée Conakry (photo prise le 6 avril 2017).

Ibrahim décrit des violences familiales qui l'ont poussé à s'éloigner. Pour preuve il montre les cicatrices qu'ont laissés des liens à ses poignets. Il est marié et père d'une petite fille d'un an. N'ayant plus rien, donc plus rien à perdre, Ibrahim a décidé de tenter sa chance en Europe. Pour cela, il a suivi le même cheminement que des milliers d'autres migrants : traversée du Sahara en bus et pickup organisée par des passeurs qui se font grassement payer, puis séjour forcé en Libye à la merci de bandes armées échappant à tout contrôle. "J'ai d'abord été volé, puis on m'a enfermé pendant plus d'un mois. Quelqu'un m'a "libéré", j'ai travaillé pour lui pendant quelque temps, jusqu'au jour où il a organisé ma traversée. Nous étions 140 dans un bateau pneumatique. Quand le bateau de la Croix Rouge nous a récupérés, nous n'étions plus que 110 environ, les autres s'étaient noyés. A Lampeduza, je ne comprenais pas ce qu'on me disait, je leur ai dit que je voulais aller en France. Ils m'ont payé un billet de train pour Paris. Là-bas, j'ai rencontré un autre migrant qui allait à Poitiers, je l'ai suivi."

8/1/18 - Dix-huitième épisode

Helal (41 ans), Najwa (37 ans) et leurs enfants Philip, Fares et Fadi, originaires de Syrie (photo prise le 1er juillet 2017)

Arrivés en France il y a deux ans, Helal et sa famille vivaient dans le quartier de Jaramana en périphérie de Damas. Tour à tour bijoutier, comptable et commerçant, Helal n'avait aucune difficulté à subvenir aux besoins de sa famille avant la guerre. Najwa, elle, avait travaillé dans une librairie puis s'était occupée d'enfants dans une école française. "La guerre a tout détruit, notre quartier était cerné par les Jihadistes et les combats étaient très violents. Une fois, une bombe a brisé nos fenêtres. Une autre fois, une balle est entrée dans la maison et s'est fichée dans un mur, ensuite c'est le bus scolaire qui a été attaqué... Pour protéger nos enfants, nous sommes partis, abandonnant tous nos biens, maison, voitures... Nous avons rejoint Beyrouth et y avons obtenu des visas pour la France."

Le frère d'Helal, prêtre jésuite, connaissait quelqu'un à Poitiers. Cette personne a pu les accueillir. Par la suite, il ont obtenu le statut de réfugiés. "Mon pays me manque, ne cesse de répéter Najwa. Je voudrais rendre visite à ma famille en Syrie." Mais avec le statut de réfugiée, il lui est impossible de quitter le territoire. Helal, lui, espère trouver un travail : "Ce n'est pas bien de rester à ne rien faire, j'ai toujours travaillé." De leur côté, les enfants n'imaginent déjà plus leur vie ailleurs qu'en France...

18/12/17 - Dix-septième épisode

Awad, 32 ans, originaire du Soudan du Nord (photo et témoignage datés du 13 décembre 2016)

Awad explique être un ancien sportif de l'armée soudanaise, spécialisé dans les épreuves de force. C'est en effet un colosse de près de deux mètres. Face à des conditions de travail devenues difficiles du fait des violences fréquentes qu'il réprouve, Awad a préféré s'enfuir. Il a traversé la Libye et la Méditerranée sans encombres même s'il décrit des conditions de voyage comme très rudes. Comme de très nombreux migrants, il s'est dirigé vers Calais où il est resté environ six mois, jusqu'au démantèlement de la "jungle". Awad est ensuite orienté vers le Centre d'accueil et d'hébergement de Mignaloux-Beauvoir avec quinze autres Soudanais. Il est divorcé, ses deux enfants vivent à Kartoum avec son ex-épouse.

11/12/17 - Seizième épisode

Ashkan, 25 ans, originaire d'Afghanistan (photo prise en janvier 2016)

Né dans la région de Parwan près de Kaboul, Ashkan a fui depuis plusieurs années déjà la guerre qui ravage le pays ainsi que ce qu'il nomme des "problèmes familiaux". Il a gagné seul et encore adolescent la ville de Téhéran où il a accepté tous les travaux qui lui étaient proposés. Il s'agissait toujours de travaux manuels, le plus souvent il était employé comme portefaix. Un jour, il a tenté un retour au pays, mais la situation ayant empirée, il a repris la route pour, cette fois-ci, ne s'arrêter qu'en Europe. Il dit avoir beaucoup marché à travers l'Iran, la Turquie, la Grèce, le plus souvent seul...

04/12/17 - quinzième épisode

Abdel Gader, 25 ans, originaire du Soudan du Sud (photo prise en janvier 2017)

Abdel Gader vivait au Darfour. Il était agriculteur dans une petite exploitation familiale. Il travaillait avec ses parents, ses frères et ses sœurs. Ensemble, ils élevaient un peu de bétail et cultivaient des légumes dont ils vendaient le surplus sur le marché. Sous prétexte de lutter contre la rébellion, le gouvernement de Khartoum et ses milices Janjawids vident le Darfour en regroupant les populations dans des camps. La famille d'Abder Gader n'a pas échappé à cette déportation qui détruit de nombreuses vies. Lui a choisi l'exil. En Libye, il a passé trois mois en prison parce qu'il a refusé de donner son argent. Abder Gader a ensuite passé six jours dans un bateau pneumatique surchargé, dérivant sur la mer Méditerranée, sans essence, ni nourriture et presque sans eau. Durant cette traversée, il dit avoir vu mourir neuf de ses compagnons d'infortune. Il aimerait maintenant recevoir l'éducation qu'il n'a pas eue au Soudan.

27/11/17 - quatorzième épisode

Ali, 21 ans, originaire du Koweït.

Issu d'une famille bédouine, n'ayant aucun droit au Koweït, Ali est venu tenter sa chance en France. Sa famille et des amis ont financé son voyage, soit environ 5 000 dollars qui, pour l'essentiel, sont maintenant dans les poches des passeurs. Parti depuis un an, il n'a pas de nouvelles de ses proches. Son père est en prison depuis plus de deux ans, sans raison selon lui. "Nous, les Bédouins, nous n'existons pas. Si l'un de nous dérange un peu, ou revendique quelque chose, il est maltraité et enfermé." Ali espère obtenir le statut de réfugié, travailler et aider ses proches.

20/11/17 - Treizième épisode

Ahmed, 22 ans, originaire du Soudan du nord

Originaire de l'Etat de Sinar, proche de l'Ethiopie, Ahmed était fermier. Il travaillait avec sa mère, ses frères et ses sœurs. Son père est mort de maladie il y a plusieurs années. Fuyant la pauvreté, Ahmed a pris la décision de rejoindre l'Europe. Son périple a duré neuf mois. En Libye, son argent durement économisé ainsi que son portable lui ont été volés. Il a également passé de nombreuses semaines en prison sans savoir pourquoi. Pour payer sa traversée, il lui a ensuite fallu beaucoup travailler. Son parcours a pris fin à Calais d'où il espérait gagner l'Angleterre. A la suite du démantèlement de la "jungle", il a été conduit près de Poitiers. Il se plait maintenant en France et aimerait y recevoir un peu de l'instruction qu'il n'a pas eu au Soudan.

13/11/17 - Douzième épisode

Shokhan, 37 ans, originaire Sénégal (photo réalisée en avril 2017)

A la mort de son père qui était exciseur, il a été demandé à Shokhan de lui succéder. En profond désaccord avec cette pratique, il a refusé. Shokhan a alors été battu au point de perdre son œil droit. Voici un extrait de son récit à l'Ofpra : "Le kankourang est une tradition locale dans laquelle on force les fillettes à être excisées, on frappe ceux qui s'y opposent, brûle leur maison... Cette année 2016, la situation a dégénéré au point où il y a eu de nombreux morts et blessés. J'ai voyagé à travers l'Afrique et j'ai traversé la mer de la Lybie à Lampédusa dans une pirogue. Nous étions une centaine au départ, hommes, femmes et enfants. Il y avaient des Soudanais, des Érythréens entre autres. Beaucoup sont morts devant moi. A Lampédusa, on nous a mis dans un camp de réfugiés, j'ai fini par fuir..."

6/11/17 - onzième épisode

Antare, 39 ans, originaire des Comores

Sa mère, née à Madagascar, a la nationalité française. Agée, elle vit à Poitiers. Antare a décidé d'abandonner son métier d'informaticien pour venir la retrouver il y a un an et demi afin qu'elle ne soit pas seule. Ses six frères et soeurs restés aux Comores leur envoient de l'argent pour assurer leur subsistance. Il a fait une demande de nationalité française par filiation mais le délai légal de réponse est de trente-six mois... Il se désespère car il aimerait pouvoir chercher du travail. Pour ne pas "gamberger", Antare participe à de nombreux ateliers. Il est membre du conseil citoyen des Couronneries et essaie de mettre en place avec le Toit du Monde une activité théâtre pour aider les migrants qui, contrairement à lui, ont connu des moments dramatiques. Il s'est également investi dans les associations comoriennes qu'il voudrait plus ouvertes aux Poitevins. Antare parle parfaitement le français : "Dans mon pays, on apprend cette langue dès l'école primaire."

30/10/17 - dixième épisode

Ahmad Sami, 26 ans, originaire d'Afghanistan. En France depuis le 3 janvier 2017.

Ahmad Sami était électricien et travaillait pour l'armée. Il est née dans la petite ville de Balkh près de Mazâr-e Chârif dans le nord de l'Afghanistan. Il est fiancé, son père est mort de maladie il y a quelques années et sa mère vit seule, aidée par d'autres membres de la famille.

"Travailler pour l'armée est très dangereux, explique-t-il. Les Talibans sont partout, ils contrôlent toutes les routes de la région." Pour sauver sa vie, Ahmad Sami a donc pris la route de l'exil. Un périple de quatorze mois qui l'a conduit, souvent à pied, à travers le Pakistan, l'Iran, la Turquie, la Grèce, la Bulgarie, l'Autriche et l'Allemagne pour arriver à Calais dans l'espoir de rejoindre l'Angleterre. Il n'y parviendra pas. Le démantèlement de la "jungle" fait qu'il a été conduit à Poitiers. Il ne le regrette pas : "Ici au moins, je suis en paix, les gens sont gentils et je n'ai pas peur."

23/10/17 - neuvième épisode

16/10/17 - Huitième épisode

D... 21 ans. Nigéria. Arrivée en France le 30 mai 2017.

Née à Lagos, une agglomération de plus de 20 millions d'habitants, D... a cinq frères et sœurs. Son père est mort quand elle avait 8 ans, tué par un gang. Sa vie a alors changé, toute la famille s'est retirée à la campagne chez la grand-mère maternelle. Travaillant aux champs, elle n'est plus allée à l'école. Elle a eu un enfant avec un ami qui l'a rapidement quittée. L'enfant vit maintenant dans la famille de cet homme. La mère de D. est tombée malade, nécessitant des soins coûteux. Les ressources de la famille n'ont pas suffi. Une femme a proposé de les aider. Pour rembourser, D. doit partir en Europe. Elle accepte. Avant qu'elle ne quitte le pays, comme pour les autres jeunes femmes, une cérémonie de sorcellerie a été organisée afin de lui faire peur, de jeter sur elle un sort mettant sa vie et celle de ses proches en danger si elle ne faisait pas ce qu'il lui était demandé. En France, dans la peur et sous la domination de ce réseau, D. n'a eu d'autres choix que de vendre la seule chose qu'elle avait pour rembourser sa dette.

9/10/17 - septième épisode

Aboubacar, 16 ans, originaire de Guinée Conakry, arrivé en France le 13 mars 2017.

"Je n'ai pas de souvenir de mes parents, je pense qu'ils sont morts quand j'étais petit. J'ai été élevé par mon oncle et j'ai longtemps pensé qu'il était mon père. Il a toujours été très dur avec moi. Il me battait. Quand j'ai compris que je n'étais pas son enfant, j'ai fouillé dans ses papiers et j'ai découvert le nom de mes parents. Ca lui a déplu, il m'a battu et chassé de chez lui. J'avais 11 ans. Je suis allé chez ma grand§mère qui était très vieille. Elle ne pouvait pas s'occuper de moi, je suis devenu un enfant de la rue. J'ai travaillé dans des boutiques, dormi dehors. J'ai décidé de partir en France car c'est la France qui nous a colonisés. Je suis d'abord passé par le Sénégal. J'y ai travaillé deux mois dans la restauration. J'ai ensuite gagné Agadez en bus puis la Libye en pickup. J'y ai été battu, j'ai reçu un coup de couteau et on m'a emprisonné pendant un mois parce que je n'avais plus d'argent à donner. Un musulman a eu pitié, il m'a aidé. J'ai travaillé dans la maçonnerie pour payer ma traversée. Arrivé en Italie, j'ai voulu rejoindre la France, parce que je parle français, pas italien."

2/10/17 - sixième épisode

25/9/17 - cinquième épisode

Mamadou, 26 ans, Guinée Conakry ( arrivée en France le 25 mars 2017). Mamadou est marié, il a deux filles. Des gens sont venus dans son village en proposant de construire une nouvelle mosquée où serait enseigné la "vraie religion". Le village a refusé, arguant du fait qu'ils avaient déjà une mosquée qui les satisfaisait pleinement. Après plusieurs essais infructueux, ces mêmes personnes sont revenues armées, deux villageois sont morts et Mamadou a été sérieusement ébouillanté par l'huile d'une marmite renversée. Après avoir conduit sa femme et ses filles dans sa belle-famille, il s'est enfui, passant par le Mali, le Burkina Faso, le Niger, la Libye. "En Libye, j'ai travaillé très dur comme manœuvre pour gagner de quoi payer ma traversée, mais des gens armés m'ont tout volé, puis m'ont venu dans la ville de Sabha au coeur du pays. On voulait m'échanger contre rançon. Heureusement, un vieil homme a eu pitié de moi et m'a emmené avec lui. Je suis reparti vers la côte et j'ai de nouveau travaillé pendant des mois comme un esclave pour gagner les 450$ qui m'ont permis de rejoindre l'Italie. Nous étions 125 migrants dans le canot, quand un navire nous a secourus, j'avais été piétiné et j'étais inconscient. Je remercie la France pour ce qu'elle fait pour nous." L'Ofpra a refusé le statut de réfugié à Mamadou.

18/9/17 - quatrième épisode

Wasim, 25 ans, vient d'Afghanistan. Il est arrivé à Poitiers le 3 décembre 2016. Wasim parle et écrit le français, il a lui-même rédigé le récit qui suit : "Je m'appelle Wasim F., je suis arrivé en France en 2015. Quand j'étais en Afghanistan, j'ai étudié à l'université de Kaboul. Mes frères ont travaillé pour le gouvernement. Pour cette raison, on a eu des problèmes avec les Talibans et finalement on a dû quitter l'Afghanistan. J'aimerais bien continuer mes études en France." Wasim est marié, sans enfant. Il n'a pas de nouvelle de sa femme.

11/9/17 - Troisième épisode

Salem, 26 ans, Koweit (7 février 2017) - Salem est marié, il a un fils de deux ans qu'il n'a pas vu depuis un an et demi. Il est Bédouin et comme des milliers de Bédouins vivant au Koweit, il est apatride puisque les autorités du pays ne leur accordent pas la nationalité. Cantonné à des emplois précaires, pénibles rares et mal payés, Salem a préféré tenter sa chance en Occident.

Depuis son départ, sa femme est retournée vivre chez ses parents avec leur enfant. C'est un oncle maternel qui subvient à leurs besoins. Salem a rejoint la Turquie en bus, la traversée de l'Europe a été plus compliquée. Une partie de cette longue route s'est faite à pied, souvent dans le froid et la faim au ventre. Il s'est arrêté au Danmark où il a passé onze mois. N'y ayant pas obtenu le statut de réfugié, Salem espère que la France sera plus généreuse.

4/9/17 - Deuxième épisode

2/9/17 - Premier épisode

Assiya, 32 ans, Rustam, 40 ans, et Radmir, 2 ans et demi. Kazakhstan. Tous les deux ont fait des études universitaires puis ont travaillé à Almaty. Assiya dans une entreprise internationale (elle parle Kazakh, Russe, Anglais, et se débrouille maintenant en Français). Rustam lui, est ingénieur en informatique et télécommunications. Ses compétences ont attiré en 2014 l'attention des islamistes locaux qui lui ont demandé de travailler pour eux. Rustam a refusé. Le couple a alors subi des tentatives d'intimidation avant d'être physiquement blessé. Tous deux ont été hospitalisés. Ils ont demandé la protection de la police qui n'a rien fait.

Les menaces devenant toujours plus inquiétantes, ils ont tout abandonné et se sont cachés dans la campagne pendant une année. Débusqués et sentant leurs vies menacées, ils ont choisi l'exil et pris des billets d'avion pour la France où ils ont pensé trouver refuge. Assiya et son mari sont très gênés d'être assistés, ils voudraient avoir la possibilité de travailler pour ne plus être à la charge de l'Etat français et rendre ce qu'ils estiment devoir.

Ne pouvant croire que le Kazakhstan, qui a signé des accords internationaux de lutte contre le terrorisme ne les a pas protégés, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) leur refuse le droit d'asile.

Credits:

Jean-François Fort

Report Abuse

If you feel that this video content violates the Adobe Terms of Use, you may report this content by filling out this quick form.

To report a Copyright Violation, please follow Section 17 in the Terms of Use.